mardi 3 mai 2016

Les Pensées #2: Surveiller et Punir


"C'est ainsi qu'une société tarée a inventé la psychiatrie pour se défendre des investigations de certaines lucidités supérieures dont les facultés de divination la gênaient."


   Dans une ère où l'on clame haut et fort que la psychiatrie a fait des progrès phénoménaux, il devient de plus en plus légitime de se demander pourquoi des médicaments visant à guérir le cerveau des "fous" les rendent complètement hors d'état certes de nuire mais également de produire.

   Le premier réflexe, lorsqu'on est malade et mal traîtés, est de croire à un complot pharmaceutique. Il parait assez clair que si la France est le premier pays consommateur d'anti-depresseurs, c'est aussi parceque des généralistes incompétents distribuent du prozac comme s'il s'agissait d'une pillule de bonheur, sans jamais prévenir les patients des effets secondaires qui accompagnent généralement la prise de psychotrope. Difficile de ne pas se sentir comme un cobaye lorsqu'aucun médecin ne pense à discontinuer des médicaments qui provoquent encore plus de troubles chez les patients, et qu'on décrira comme nocif d'ici quelques années (comme ça été le cas avec le lithium, prescrit aux "maniaco-depressifs" pendant des décennies). 

"La médecine est née du mal, si elle n'est pas née de la maladie, et si elle a, au contraire, provoqué et créé de toute pièce la maladie pour se donner une raison d'être."

  Or, si complot pharmaceutique il y a, comment expliquer que l'on décime une telle part de la force productive? Le moyen d'explication le plus extrémiste serait de voir les psychotropes dans une perspective Foucaultiste: les médicaments ne sont qu'une façon moderne de "Surveiller et Punir".
  En effet, puisque les prisons, hôpitaux et divers moyens d'enfermement collectifs coûtent cher non seulement en moyen, mais aussi en espace (grandes structures, efforts architecturaux, problèmes d'aménagement urbains), ne peut-on pas considérer la "camisole chimique" comme un moyen d'enfermer à moindre coût ces populations "dangereuses", en les rendant non seulement léthargiques mais totalement dépendantes d'un système qui ne leur veut que du mal?

"Quand je suis malade, c'est que je suis envoûté, et je ne peux pas me croire malade si je ne crois pas, d'autre part, que quelqu'un a intérêt à m'enlever la santé et profiter de ma santé."


  Merci la psychiatrie et ses infaillibles innovations : nul besoin de panoptique quand les malades deviennent incapables de sortir de chez eux, de sociabiliser, de réfléchir, de produire, de travailler, de relationner, mais également de se révoltés - devenus entièrement dépendants de leur bourreaux.


"C'est la pente des hautes natures, 
toujours un cran au dessus du réel, 
de tout expliquer par la mauvaise conscience, 
de croire que rien n'est dû au hasard et que tout
 ce qui arrive de mal arrive par l'effet d'une
 mauvaise volonté consciente, intelligente et concernée. 
Ce que les psychiatres ne croient jamais.
Ce que les génies croient toujours."




Citations tirées de "Van Gogh, le suicidé de la société", d'Antonin Artaud. (1947)